ART ET éducation

1- Jean-Michel Djian, Université de Paris 8

2- Dominique Trichet, Fai Ar, l'éducation aux arts de la rue

3- Boris Bruguière, Céméas

Intervention de Jean-Michel Djian, Université de Paris VIII

 

Les pouvoirs publics et l'éducation artistique, l'exemple de la fête de la musique

 

 

Je vais vous parler à partir d'un discours un peu politique que j'ai l'habitude de faire à Paris, mais en essayant de reclasser l'intéressante question qui est posée aujourd'hui sur l'éducation artistique et les arts de la rue à travers une histoire, une histoire personnelle parce que je suis dans le domaine culturel depuis une trentaine d'année.. J'ai 57 ans et j'ai démarré ma vie dans ce domaine à l'age de 27 ans. Et si j'en parle aussi ouvertement, c'est que je viens d'écrire un livre autour de l'histoire de la fête de la musique. Cette histoire là correspond exactement aux questions que vous vous posez,aux rapports entre l'état et la culture, L'histoire des arts de la rue ne se résume pas au théâtre, qui est une discipline qui apparaît sur la scène internationale. L'histoire de la fête de la musique a exactement 30 ans. Elle illustre bien la question que vous vous posez, sur les rapports qui peuvent exister entre les pouvoirs publics en général et la culture. En 82, j'ai eu la chance de rentrer au ministère de la culture et d'être témoin d'une réunion préparatoire au sein de ce ministère où 3 personnages emblématiques de ce que représentait à l'époque une certaine idée de l'idéal culturel dans la société moderne.

La gauche française arrivait au pouvoir et un certain ministre, Jacques Lang arrivait rue de Vallois , siège du ministère de la culture. Il y avait là deux personnages, l'un peu connu, qui s'appelle Christian Du Pavillon, un architecte, un illuminé.

Et un journaliste du nouvel observateur.... qui venait d'être nommé directeur de la musique, poste généralement peu confié à des journalistes (on les offre plutôt à des hauts fonctionnaires), mais il se trouve que ce Maurice Fleuret avait la particularité d'avoir été un grand critique musical et d'avoir initié au travers d'un festival de la rue, les rapports entre la musique et les nouveaux publics dans le nord pas de calais.

J.Lang le nomme sur la proposition du premier ministre. Peut être que ce n'est pas grand chose, mais, c'est important de rappeler cette histoire. J'ai participé comme un stagiaire à l'époque et j'ai découvert ce que c'est qu'une bonne idée et comment elle pouvait être récupérée politiquement et parfois tuée administrativement. Je m'explique : Christian du Pavillon et Maurice Fleuret, ces deux personnages constatent que les français disposaient de 4millions d'instruments qui étaient dans les greniers, dans leurs greniers. Tous les deux se disent : « c'est quand même curieux, y a 4M d'instruments et on ne les voit pas jouer ». Donc il a un décalage entre l'existence de ces nombreux instruments, et la réalité qu'on ne puisse pas faire de la musique n'importe ou, n'importe comment. Puisque aujourd'hui, au partout, pour des raisons de sécurité. Mais le fait est qu'en 1982, une nouvelle politique musicale très Hors Les Murs a commencé à se mettre en marche dans un cabinet ministériel. Et curieusement, le ministère J. Lang que je fréquentais pour le premier jour de ma vie, était réticent à cette idée. IL a fallu l'insistance de M. Fleuret et De Pavillon pour y arriver. C'est le rôle de l'état de pousser les gens à prendre les instruments et à aller dehors. Evidemment les ministres qui étaient autour de la table se sont mis à ricaner en disant qu'est ce que c'est que ces hommes de gauche qui veulent faire sortir les français avec des instruments dans la rue.

C'était totalement surréaliste.

Sauf que le ministre a dit : on ne prend pas trop de risque. On fait en sorte que de 20h30 à 21h00, les français sortent le 21 juin dans la rue. La date choisi a été le solstice d'été. Seuls les finlandais (puisque l'événement a pris une ampleur européenne) ont refusé en disant qu'ils faisaient déjà une fête de la musique à cette date. Nous ne le savions pas, mais il existe toute une tradition dans le nord.

Toute l'intelligentsia parisienne, toutes les télévisions, les radios étaient contre l'idée de relayer cette grande histoire de la fête de la musique, démarrée quelques jours avant, en disant : « ça n'intéressera personne, il n'y aura personne dans la rue ». A tel point que 2 jours avant, M. Fleuret et J. Lang sont traversés par un doute en disant : « on fait une grosse connerie, il n'y aura personne. » Seules quelques radios ont relayés l'information.

Le 21 juin à 20h, les préfets dans les régions commencent à renvoyer l'information en disant que beuacoup de gens sortaient avec leurs guitares, les chorales... surtout dans le sud de la France.

A 20h, il y avait déjà, surtout à Toulouse et sa région, énormément de français qui sortaient leurs instruments, les jeunes des universités qui se mettaient à chanter, dehors. Ca vous paraît totalement naturel aujourd'hui, mais sachez que c'était totalement surréaliste à l'époque.

A 20h30, la France entière bougeait. Et cette fête a perduré toute la nuit. Et ce fut un événement fondateur, à charge du ministère de la culture d'en tirer les conclusions politiques.

Et là, curieusement, Jacques Lang s'est dit que cet événement était un one shot qui ne se referait pas. Mais le lendemain, le ministre allait en Espagne avec Mitterand et le roi Juan Carlos lui a demandé  : « que s'est il passé en France hier soir ? » Et aussitôt, l'Espagne a relayé, la Belgique, et il y a eu un foisonnement d'initiatives dès 1983. pour aboutir en 1985 à cette grande fête de la musique européenne qui a connu son point d'orgue au Parthénon en Grèce.

Aujourd'hui 117 pays font la fête de la musique. C'est un événement sur lequel les états n'ont pas de prise. Ca peut se faire avec ou sans les états. Les pouvoirs publics quels qu'ils soient, sont partenaires ou pas. On a à faire à un événement très libertaire dans la sphère culturelle française. Si je parle de ça c'est qu'on a tendance à oublier, parfois, que l'état et les pouvoirs publics, peuvent être, mais c'est rarissime, initiateurs de grandes folies, de grandes utopies. Et les arts de la rue participent de ce mouvement. Certains autour de moi sont mieux placés pour évaluer ce qu'a représenté il y a 30 ans, l'émergence, la plu value culturelle et il faut bien le dire admettre que si, parce qu'un gouvernement de gauche à l'époque arrivait au pouvoir que cette chose a pu se voir. Sachez, et c'est le cas dans toute l'Europe qu'en 1981, le jazz, le rock et la chanson n'étaient pas reconnus comme des arts au ministère de la culture. L'idée même d'arts fleurissant comme ces musiques, ou la bande dessinées n'étaient pas reconnues, n'avaient pas d'existence légitime. On ne pouvait pas aider ces artistes.

Le fait qu'on ait pu le faire, modestement et parfois avec beaucoup d'approximations, et parfois avec des erreurs, ça a permis de générer des pratiques culturelles, qui sont celles dont vous êtes aujourd'hui les acteurs, et qui sont nées a partir du politique. Et si aujourd'hui en France on est dans une configuration un peu particulière par rapport au reste des états nations d'Europe, il faut bien se souvenir que sans les pouvoirs publics, l'initiative publique dans l'art et la création n'existe pas.On peut bien dire qu'on n'a pas besoin de la politique, des municipalités, des conseil généraux... c'est vrai, la preuve c'est que chacun se démène pour essayer de vivre de l'art aujourd'hui.

Pratiquement, c'est ça le paradoxe, sans les pouvoirs publics, il n'y a pas de pratique culturelle. Je vais plus loin en disant qu'aujourd'hui, le drame c'est précisément, dans un essoufflement caractérisé de la politique culturelle, c'est principalement parce qu'il n'existe plus au niveau de l'état (en Italie, en France ou en Belgique), il n'y a aucun souffle politique pour relancer des idées, permettant aux artistes de retrouver leur place dans la société. Tant qu'on n'aura pas réhabilité le pouvoir du ministère de l'éducation dans le système de l'apprentissage de l'art, aucune chance d'avoir un ministère de la culture qui fonctionne a plein dans les années suivantes.

Sans formation des jeunes, des enfants, des adolescents par le système scolaire, aucune chance d'avoir au ministère de la culture qui puisse relayer au delà de l'école, la performance ?

Si on veut avoir une vision un peu idéaliste, un peu politique de ce que sera la société de demain, Le vrai problème qui se pose dans votre génération, c'est précisément le manque d'ambition, donc la place, le rôle de l'art dans la société.

J'ai publié un livre il y a quelques temps qui s'appelait : « Aux arts citoyens », pour tenter modestement d'interroger les enseignants et les artistes sur la responsabilité qu'ils ont par rapport à ça.

Inutile de penser qu'en jouant dans un village pour faire plaisir aux villageois, on changera le monde. Même avec les meilleurs instrumentistes, les meilleurs acteurs du monde, cela ne servira jamais à changer la société. Cela ne peut se faire que dans une cour de récréation, par des gens qui veulent partager leurs espoirs et qui sont relayés un moment par ceux qui nous représentent qui sont les pouvoirs publics. Tant qu'il y aura ce décalage saisissant entre le travail que vous faîtes et les idées politiques, aucune chance de voir les choses changer.

J'espère que ces questions là vous tracassent l'esprit. Si ce n'est pas le cas, je reviendrai. Mais la est la question :

Comment aujourd'hui faire de ces pratiques qui sont les notre, les votre, soient un élan pour que ceux qui gouvernent, au sens large du terme, comprennent que la vocation des humains ce n'est pas seulement survivre, c'est aussi de s'épanouir.

 

 

Echanges :

Sean Edwards, GB : A travers votre expérience, avez vous un regard à nous donner sur les instances gouvernementales culturelles, concernant l'absence de soutien politique à des projets culturels innovants? est-ce selon vous un manque de dynamisme, d'energie ou bien une réelle volonté d'empêcher les populations d'avoir accès à ces projets culturels?

 

J-M Djian : La culture a fait peur dans les années 70. La question ce n'est pas qu'on a peur de la politique culturelle, c'est qu'on manque totalement d'imagination. Pas vous mais ceux qui gouvernent. et la il y a un problème. Quand vous sortez un projet innovant qui vous parait à vous original, il parait au ministère qui peut vous aider, comme trop original. Le système s'est tellement institutionnalisé dans la culture, tellement spécialisé dans la culture et dans les arts, aujourd'hui, il y a quasiment des foncitonnaires qui correspondent aux spécialités, et qui ont des compétences tellement spécialisées, tellement déterminées, que c'est impossible pour eux de sortir de leur spécialité, de leur enfermement, sinon, ils ne font plus carrière. Donc vous avez automatiquement, en face de vous, des personnes qui ont un présupposé sur l'innovation, l'origianlaité, tout ce qui sort du champ traditionnel de la vie culturelle. Et comme on a, deurant les 20 dernières années, des années 80 aux années 2000, épuisé tous les systèmes d'aide et de soutien sur lesquels on pouvait de manière originale soutenir l'art, aujourd'hui, on se dit qu'il faut remettre tout à plat et réinventer pour redonner du souffle à de jeunes créateurs, à de jeunes formes de politiques culturelles, à des inovations.

C'est à cause du manque d'imagination, de la formation de nos élus trop spécialisés, trop carriéristes, qui n'ont plus le sens de l'intérêt général. L'intérêt général est que chacun puisse donner dans le milieu culturel des exemples d'innovation.

Je vais citer un cas très particulier. Je suis bien placé à l'université de Paris 8 devant mes étudiants qui sont recrutés que sur des idées innovantes, et qui n'arrivent jamais à les appliquer en Europe, et qui partent à l'étranger pour les réaliser. L'année dernière, 75% des étudiants sont à l'étranger pour réaliser leur projet. En France, il y a trop de règlementation, trop de spécialisation, il y a une bureaucratisation telle que ça fevient très fatiguant pour quelqu'un d'aller quémander de l'argent. De cela, ils en tirent eux mêmes les conclusions. Il y a 3 ans, un de mes étudiants, 24 ans, a acheté un bus en Equateur. Son projet était tellement précis dans sa tête, tellement cohérent. Il voulait partir avec un bus et réinventer une forme de cinéma itinérant en équateur. Il a fait la formation, a fait son travail la bas. Notre travail à nous, a été de lui trouver un maitre compagnon en Equateur qui puisse l'aider à réaliser leur projet. Il realise aujourd'hui son rêve d'enfance. Il a créé son entreprise et il diffuse des films sud américain. Ca, ce n'est plus possible de le faire en france. Il y a des règlementations, des complications qui rendent les choses impossibles. Vous, vous bricolez, lui, il en vit, et il a embauché 7 personnes. et c'est en Equateur, on n'est pas dans des configurations faciles. Je pourrais citer 15 ou 20 exemplces comme ça.

Sans tirer sur l'ambulance (je parle de la France), la surspécialisation, la surbureaucratisation d'un pays dit démocratique, fait en sorte qu'il n'y a plus d'innovation, d'initiative. Dans le milieu artistique et culturel, c'est la période de travail dans laquelle des gens veulent travailler, oblige ceux qui exercent ce métier à être sans arrêt dans l'imagination.

 

Mathurin Gasparini, France :

Je me demandais si ce n'était pas une vision de la culture et de l'art autour de la résidence, de la part du ministère, et pas d'échanges, d'échanges de pratiques ou autres, plutôt que la bureaucratisation, parce qu'il existe en France, des choses assez innovantes.

J-M Djian :

S'est rajouté depuis une quinzaine d'années, une politique de communication et financière, qui aspire l'argent. La plupart des élus se préoccupent d'abord de savoir si ça va leur rapporter des élécteurs. Le ministère de la culture qu'il soit Français, Italien ou Hongrois, se préoccupe de savoir si le projet participe à la présentation du programme politique. Donc il y a instrumentalisation massive du travail des artistes. Malheureusement, ce n'est pas une question d'élitisme ou quoi que ce soit, il y a toujours un deal entre les politques et les projets aujourd'hui. On n'est pas sur un pied d'égalité.

Un exemple, Marseille 2013, toute l'opération de Capitale Européenne de la Culture, dégage une énergie humaine et financière colossale. On ne sait pas où l'argent va. C'est hallucinant de voir comme on peut inventer des jeux comptables pour justifier des projets qui ne se feront pas. Tout ça, c'est de la com'.

Avec le même argent, on pourrait donner à des structures qui ne font pas de vent, qui ne font pas de mousse, qui font un travail de terrain. Mais on ne s'intéresse pas à eux puisqu'on ne les voit pas. Donc ça n'intéresse personne.

Il faut en être conscient parce que ça se passe à Marseille, mais ça se passe ailleurs aussi.

 

Salah, Algérie :

On assiste chez nous à travers nos systèmes politiques à l'existence d'une culture officielle. Lorsque la politique se démocratise, on essaie de faire en sorte que cette politique soit au service de la culture, mais la politique ne répond pas d'une sensibilité artistique face aux oeuvres et ne permet pas l'innovation. la censure existe même au sein des artistes.

J-M Djian :

Bien sur que c'est une difficulté majeure. Depuis le 17ème siècle, on associe le pouvoir public avec la culture. Depuis que Colbert, en France avec les bâtiments de France a commencé à gérer le patrimoine culturel français. On est en face d'un rapport curieux entre la politique et l'art. Au fond la France s'en est très bien sorti. L'art sait s'affranchir, ou la culture en général, des pouvoirs politiques, soit par la transgression, soit par la provocation. Ça a toujours été un rapport de force. Le régime socialiste en URSS, n'a pas empêché des grands artistes d'apparaître. En ce moment, un chef d'oeuvre du cinéma, sorti aujourd'hui, "la Séparation" en Iran,  a été fait contre les pouvoirs publics iraniens. Donc c'est possible. Au contraire, la puissance de l'art et des artistes est précisément de s'affranchir du politique. Sauf que pour arriver à ça, il faut que les artistes se mobilisent. Et a un moment donné, ce qui compte le plus, c'est que la nation (pas l'état, le peuple), puisse être dans un système ou la représentation artistique lui appartienne. C'est là l'idée aujorud'hui, grâce aux moyens télévisuels, internet... mais pas seulement, et votre présence ici le prouve. Il existe une telle possibilité de marier les genres, les peuples, les complicités sur les territoires nouveaux que devant ça, les états sont impuissants, pour contrecarrer tout ce qui est possible. Plus ça va, plus le mouvement artistique va dans le sens de tirer les nations vers le haut. Tous les arts permettent aux politiques de se dire : "mais c'est nous les ringards". A l'époque des rois, des monarchies, il y avait des bouffons et il y avait des rois. Mais aujourd'hui c'est l'inverse. C'est le pouvoir qui est le bouffon et c'est l'artiste qui est le roi. Donc on a inversé ça en même pas trois siècles. Grâce à l'art, on peut changer les choses, sans faire la révolution. Sauf qu'il faut être dans une solidarité intrinsèque, dans une complicité importante, et tout ça, c'est un boulot fantastique.

Et c'est plus facile aujourd'hui qu'il y a 30 ans. Il y a 30 ans, il n'y avait pas les portables, internet... c'est aujourd'hui plus facile de communiquer. En tous cas, techniquement. Au fond, les outils sont là et de cela, on ne s'en remettra pas. Les politiques sont désemparés devant la fluidité incroyable qui circule sur le net, par la parole, mais aussi par l'art. Tout passe la dedans. Et ça, ça échappe au pouvoir. On voit bien que devant des phénomènes jetables emblématiques de ce qui se passe dans le monde aujourd'hui, voilà un film qui s'est fait dans la clandestinité, qui a été élu au festival de Berlin parce qu'il est génial.

 

Une personne dans la salle :

Témoignage sur des actions de territoire (quartier de la Devèze à Béziers), innovantes, d'éducation à l'art, financées par la politique de la ville. "Il est tout de même possible de travailler au niveau local, en partenariat avec des associations de quartier, des institutions comme le conservatoire et la mairie. Nous avons mené un projet d'éducation à la danse hip hop dans un quartier populaire qui a pu être soutenu à hauteur de 10000 € sur 2 ans. Bien entendu, ça ne paie pas les salaires, mais ça permet de faire travailler des professionnels et de monter un spectacle. C'est donc possible de créer des réseaux et de développer des projets à petite échelle, en partenariat avec les pouvoirs publics. Bien sûr, c'est évident que c'est toujours difficile pour nous de traiter au niveau régional et encore plus national, et cloisonné et spécialisé, comme vous le dîtes."

J-M Djian :

J'espère que je ne vous décourage pas en disant tout ça. c'est intéressant ce que vous dîtes. On a jamais eu autant d'argent pour la culture, et on n'a jamais eu autant d'acteurs sur le terrain pour faire des choses. On passe sur ce que Chirac disait sur la fracture sociale. Comment ça se fait qu'il y a autant de gens malheureux dans leur quotidien alors qu'il n'y a jamais eu autant d'artistes sur le terrain? Comment ça se fait qu'il ya  autant de riches alors qu'il y a des gens qui souffrent encore de ne pas aller au théâtre voir une pièce de molière? Il faut s'interroger de manière d'état politique. Chacun gagne sa vie comme il veut, mais il faut sortir de sa bulle, se mettre sur une coline. Comment ça se fait que le boulot qu'on fait ne permet pas de changer les choses?

Le jour où les politiques culturelles seront autre chose qu'un discours creux, les choses évolueront. Les artistes ont un rôle politique à jouer. Ce n'est pas un rôle clair, comme ça l'a été pour notre génération à nous (ou il fallait monter au créneau pour avoir le label militant, c'est totalement erroné maintenant). Il y a d'autres formes d'engagement citoyen à avoir, qui appartiennent à votre génération et qui doivent permettre de provoquer les politiques sur leur responsabilités.

Intervention de Dominique Trichet, FAI AR

 

Education aux arts de la rue

 

Je profite du fait que Jean Michel Djian soit encore là pour évoquer un des plus vieux festivals des arts de la rue, à Amiens. Son directeur l'a créé lorsque la municipalité d'Amiens était de gauche. Puis la municipalité est passée à droite, et ça a été difficile pour lui de maintenir son festival, mais il y est arrivé. Puis récemment, la municipalité est revenue à gauche. Il m'a dit :" passer de gauche à droite, ça va encore, mais passer de droite à gauche, ce n'est pas confortable, parce qu'ils ont dés idées, et qu'ils savent exactement ce que nous devons faire, ce que je dois faire". Je dis ça juste pour prendre un peu de distance entre l'art et le pouvoir.

 

Les municipalités de droite, en France considèrent que ce n'est pas leur problème, que c'est aux équipes professionnelles de décider, de choisir. Il faut que ce soit bien géré, c'est la seule chose qu'elles demandent. Alors que les mubicipalités de gauche ont un avis. Est ce que les élus dovent être questionnés? est ce que l'état doit  être producteur, ou faut il laisser les artistes faire leur travail? C'est une question...

 

Il se trouve par ailleurs, nous avons parlé de la fête de la musique, que je me suis occupé de la fête de la musique sur Paris. Les arts de la rue ne sont pas exclusivement du théâtre. Je me suis retrouvé en 86, dans une période de changement politique, et beaucoup de gens pensaient que la fête de la musique allait disparaître. Lorsque les praticiens, en accord avec la population, ont décidé de faire la fête, c'est impossible de les en empêcher, sauf dans les dictatures, et la fête de la musique a continué avec un ministre de la cutlure de droite.

 

je vais revenir sur ce que je connais le mieux, à savoir ce dont je m'occupe depuis presque 7 ans, qui est la Formation Avancée et Itinérante des Arts de la Rue. c'est une formation qui a été initiée par Michel crespin, un des plus importants constructeurs pour fédérer une profession, celle de tous les praticiens qui ont décidé de travailler dans l'espace public, que cela soit un cracheur de feu, un briseur de chaine, un musicien, un slameur, ou des grands feux d'articices, des installations...

 

Pour nous les arts de la  rue c'est ça.

 

Michel crespin a créé la première association qui s'appelle "Lieu Public". Le centre national de création des arts de la rue a été créé en 1983. Ensuite, il y a eu l'apparition d'un premier recueil, "le Goliath", qui répertoriait en France, avec une part d'international toutes les équipes qui travaillaient dans l'espace public. On parle beaucoup d'arts de la rue. J'aime bien ce terme là. Dans les pays anglo saxons, on parle de "sites spécifiques". Il ny' a guère qu'en Espagne et en Italie qu'on utilise le terme d'arts de la rue. En Allemagne et dans les pays du nord de l'Europe, on parle de "sites spécifiques".

 

On parle de la rue dans son sens large. On peut investir un hall de gare, ou une clinique, tout ce qui n'est pas construit a priori pour accueillir du spectacle.

 

La Fai Ar, initiée par Michel Crespin en 99, a été en préfiguragion en 2002, puis a pris sa vitesse de croisière en 2005. La formation dure 18 mois, à plein temps, s'adresse à des gens venus de toute l'Europe, voire d'ailleurs. Dans la prochaine promotion, nous avons une apprentie coréenne, une apprentie brésilienne et plusieurs espagnols. La fourchette d'âge varie entre 22 et 50 ans. L'itinéraire artistique est très divers. nous accueillons des circassiens, des musiciens, des chorégraphes, des comédiens, des techniciens, et aussi des gens qui sont techniciens ou amateurs producteurs. Notre critère est leur engagement dans les arts de la rue, dans l'expression artistique de la rue. C'est une formation financée par l'état françis, la Région Alpes Côte d'Azur, la mairie de Marseille, l'Afdas.

 

Nous avons l'obligation de faire en sorte que ceux que nous recrutons aient réellement fait un choix de travailler dans l'espace public. 2 profils se dégagent : soit ce sont des gens qui ont une dizaine d'années d'expérience dans l'espace public et qui désirent passer un cap, qui ont le sentiment qu'ils ne progressent pas, qui veulent confronter leur pratique artistque avec d'autres artistes. De l'autre côté, ce sont des gens plus jeunes, qui viennent de sortir d'une formation initiale (architecture, beaux arts, université, ...) mais qui dans leur parcours de formation ont pris des responsabilités d'action dans l'espace public.

 

C'est donc une formation à plein temps, de 18 mois qui a 3 axes :

 

Le premier : les fondamentaux. les questions, qu'on ne peut pas ne pas se poser. Nous n'avons pas d'enseignants permanent mais nous travaillons avec des équipes artistiques, sur des périodes de 3 semaines, ou avec un créateur. On se pose par exemple la question du son dans la ville, ou de la verticalité, ou on peut travailler à partir de l'architecture (d'un monument, d'un site...), travailler avec des populations non professionnelles, inventer une histoire qui révèle la vie d'un pays...

 

Le deuxième : l'itinérance, on est itinérant par principe. La dernière promotion a été dans le centre de la france, au Maroc (salé, marrakech), en Slovénie (Liubliana, travail sur l'architecture : quelles actions à inventer à partir de 3 ponts sur la rivière), à Lyon (avec les élèves de l'Ensat, fête des lumières)...

 

Le troisième : les apprentis ont leur "jardin à cultiver" (le perfectionnement ou l'entretien de leur pratique initiale. une compagnie en création dans une structure, créer une action dans l'espace public), "le voyage imaginé" (aller à la rencontre d'autres cultures, non occidentales, et analyser comment les artistes traitent l'espace public), "le projet personnel de création" (chacun arrive avec un projet de création dans l'espace public qu'il travaille avec un tuteur qui l'aide pour accoucher de son projet).

 

A la fin de la formation, il y a un panorama des chantiers où chacun des apprentis propose son projet à la profession. Nous réunissons un certain nombre de programmateurs (festivals français et étrangers) et des personnes qui sont assez représentatives de l'ensemble de la profession. et chaque apprenti présente son projet sous forme de dossier, de communication. L'expérience nous a montré qu'à peu près 10 projets sur 15 deviennent des réalisations. Y compris pour sur ceux qui n'avaient pas d'expérience. 5 autres seront peut être réalisés plus tard, ou avortés, ou le projet servira peut être pour un autre projet.

 

 

 

La problématique : est ce que l'art, ça s'apprend? Est ce que ce n'est pas complètement idiot de décider de faire une formation? Un certain nombre de gens ont estimés, y compris dans la profession que la rue, ça s'apprenait dans la rue, et qu'une formation allait institutionnaliser la profession, et que c'était une erreur. Il se trouve qu'il n'y a pas d'avenir s'il n'y a pas de réflexion partagée, sur ce qu'on fait, ce qu'on est en train de faire. C'est important selon moi qu'il puisse y avoir un regard, des études, des publications, des échanges, des transmissions. J'ai fait du théatre de rue avec plusieurs compagnies, avec des gens plus agés que moi encore, et c'est comme ça que j'ai appris. Mais le refus d'écoles, de transmission m'est toujours apparu comme : "nous on s'est fait tout seuls, y a pas de raison de les aider". Pas de raison qu'il puisse y avoir un lieu de formation dédiés aux arts de la rue. Depuis 10 ans, l'idée est passées et est devenue une évidence. Nous sommes devenu "leur école".

 

 

 

ECHANGES

 

 

Laetitia Rochette :

 

Avez vous un volet de formation autour de la production?

 

D. TRichet

 

Nous considérons que nous accompagnons et formons des gens qui vont prendre ou ont pris ou veulent parfaire leur connaissance, pas être des chefs d'entreprise. Nous ne sommes pas une formation d'administrateurs, de producteurs, d'ingénieurs du son. Nous sommes une formation d'auteurs, concepteurs, réalisateurs. C'est une notion importante. Les apprentis consacrent 18 mois de leur vie pour pouvoir parler avec des ingénieurs du son, avec un éclairagiste... Par ailleurs nous considérons ici que celui qui est à l'initiative d'un spectacle, ce n'est pas forcément un metteur en scène. On peut tout à fait imaginer que ce soit un scénographe, ou un scénographe constructeur, ou un éclairagiste, qui ait la première idée du spectacle. On peut imaginer aussi que ça puisse être (ex : royal de luxe) un producteur, et que le trio entre le metteur en scène/le chorégraphe, le directeur technique et un adminsitrateur, ce sont les trois pieds qui permettent que des oeuvres artistiques se passent.

 

Plus de 20 pays ont été représentés dans la Fai Ar. On a travaillé dans le passé à plusieurs reprises en Catalogne dans une compagnie qui s'appelle "clodiens". On a travaillé aussi en Hollande, dans une petite île qui sappalle Catherine, où il y a un grand festival d'arts de rue qui travaille avec des sites naturels; nous allons travailler à nouveau avec le Maroc, le Théâtre Nomade et Awaln'art.

 

 

 

Joanna Bartholomew :

 

Quand vous voyagez, quel est le lien entre la théorie et la pratique que vous faîtes, autour des lieux visités

 

D. Trichet

 

nous allons dans des lieux qui eux mêmes s'intéressent à la formation autour des arts de la rue. Ensuite, comment ça se passe? D'abord, ce que nous donnons à un artiste, une équipe artistique, c'est que les apprentis puissent entrer dans une écriture artistique avec des équipes à qui nous faisons appel, qui ont une écriture artistique affirmée.

 

Première chose, accepter, comprendre l'écriture artistique.

 

2ème choses, comprendre la problématique proposée. Il y a des intervenants qui ne sont pas des artistes, mais qui travaillent sur le même thème, mais n'ont pas le même regard, la même pratique. Par exemple, sur la vertivalité, on a fait venir plusieurs personnes qui travaillent sur la pesanteur, sur les façades.

 

3ème point, l'expérimentation, la mise en pratique, un exercice de création qui est proposé. Le jeudi de la 3ème semaine, il y a une "ponctuation", une présentation publique, un exercice de création parce qu'il y a eu une rencontre. Par exemple : "vous devrez par 2 visiter 5 maisons que nous allons choisir et vous devrez vendre un produit aux familles.", ou bien : le travail dans une entrprise : la question était de travailler avec les ouvriers d'une usine de métal et de créer un spectacle dedans.

 

 

 

Salah :

 

Vous parlez d'arts de rue, je constate à travers mes voyages, des sculputures, des jardins, des peintures, des costumes, les gens s'habillent dans la rue. Pour moi, ça aussi, c'est de l'art dans la rue. Les objets en vitrine dans les magasins, donnent des images artistiques. Mais lorsque vous parlez de formation, le fait de choisir un site, un bâtiment, y a t-il une continuité de l'aspect architectural, par rapport à une nouvelle vision? Ce concept est nouveau pour moi? La formation est-elle une combinaison des visions des artistes par rapport à un site?

 

D Trichet:

 

Un des pbs des arts de la rue, qu'on soit dans un site urbain ou naturel, c'est qu'on se confronte à un site qui est déjà très très fort. Il faut jouer avec. Effectivement, dans l'espace urbain, on ne peut pas faire comme si de rien était. Sur un marché, c'est extrêmement difficile de jouer, alors que la vie qui existe déjà est un jeu. Précisément, notre rôle est de choisir des lieux sur lesquels on peut intervenir, mettre des signes supplémentaires qui se confrontent ou qui se marient à ceux qui existent. Parce que les gens ne le vivront pas de la même façon, et les gens ne regarderont plus de la même façon le lieu lui même. Beaucoup de livres ont été écrits, sur le fait que l'art transforme les villes. On ne regarde plus un environement si on a assisté à un spectacle, un moment fort, de la même façon. On ne vit pas de la même façon avec ses voisins s'il s'est passé un événement dans la rue. Les événements les plus forts sont par exemple les incendies et la venue des pompiers. Je souhaite aux spectacles d'avoir ce même impact. Certains spectacles l'ont. Quand un géant est passé dans une ville, il a transformé la vision de la population avec cette ville.

 

Une compagnie, l'opéra pagaille propose un spectacle "safari intime", qui consiste à transformer quelques rues d'un quartier, d'un village, comme étant un musée vivant. On se promène dans les rues, et on regarde par les fenêtres, les portes comment nous vivons. Avec des panneaux:  "couple avec 2 enfants"... Ce spectacle bouleverse!

 

 

 

Salah :

 

Durant ce séminaire, nous parlons de l'art de rue, de l'art social. Chez nous l'art de rue a commencé dans les villages avec la musique par exemple, la poésie. Les musiciens jouaient pour ramasser quelque nourriture, mais ils animaient le village. Les poètes déclamant dans la rue, sans peur. Lorsque je suis arrivé à l'école des beaux arts d'alger, un professeur nous a enseigné l'art à l'extérieur (nous nous sommes meme déplacés vers le sahara, pour voir les puits de pétrole et de gaz), et j'ai pris conscience que l'art à l'extérieur, ce n'est pas comme dans l'histoire de l'art avec les expressionnistes qui font de la peinture hors de leurs ateliers, mais j'ai compris que l'art pouvait prendre diverses formes, des installations extérieures, ...

Boris Bruguière,

Céméas

 

Intervention sur l'éducation populaire, l'art de rue et le vivre ensemble

 

Je vais vous parler de l'action des céméas, Centre d'entrainement des méthodes d'éducation actives et de leurs actions dans le domaine culturel et d'éducation artistique.

 

C'est une association d'éducation populaire. Ces associations sont nées en 1930 en France. Les céméas ont la particularité d'être rapidement associées au festival d'Avignon, à la demande de Jean Villar. Des lieux d'accueil, d'hébergement ont été mis en place pour accueilir du public qui n'était pas destiné à fréquenter un festival, et éventuellement pratiquer du théâtre, rencontrer des spectacles et des artistes. On intervient aussi au festival d'Aurillac, des francopholies... Plusieurs actions sont en place.

 

On parlera aussi d'accompagnement d'artistes (RSA artistes) ou comment se professionnaliser et passer par dessus les difficultés administratives.

 

Je suis moi même chargé d'une action sur le chant dans les pratiques actuelles. Nous réfléchissons sur la mise en place d'actions sur la pratique du chant.

 

Les céméas c'est aussi une réflexion sur "comment les gens peuvent s'approprier la cité, devenir les acteurs des événements qui se déroulent trop souvent sous leur nez". Comment les faire participer.

 

Concernant nos actions de médiation autour des festival, en principe, nous mettons des structures en place, généralement, des écoles ou des lycées qui sont fermés à ce moment là. Dans ces établissements, soit nous utilisons l'internat, soit, on le crée complètement, on installe des lits, des cuisines pour pouvoir passer une semaine, 15 jours, 3 semaines, et on y accueille des enfants, ou des adultes. Ce lieu de vie devient un espace de rencontres, on y partage des repas, des moments de vie quotidienne, des moments en collectivité, des moments où on se retrouve, des moments où chacun va voir des spectacles...

 

On travaille avec tous ces publics également sur la construction de spectacle. On met en place des temps de pratique artistique. On n'est pas simplement spectateur, devant un train qui passe. Je pratique. Si ça ne passe pas par le vécu, la pratique, je resterai spectateur. Voir des artistes, de loin, rend l'art inacessible et favorise la construction de représentation souvent erronées. Grâce à la pratique, on peut changer son point de vue, sur l'art, les artistes, sur comment on devient artiste. On met donc en place quelques heures de pratique, le matin, généralement. On échange aussi sur les spectales qu'on a vu, sur les moments de vie quotidienne, sur le collectif. L'idée est de dépasser le "c'est bien, c'est pas bien", mais pourquoi, ça me plait, pourquoi ça me met en colère...., on développe donc le regard critique, de citoyen, de spect-acteur, sur l'art.

 

Il y a également des moments de rencontres avec les artistes, organisés par les céméas ou par le festival. Sur ces accompagnements culturels, nous proposons une approche un peu spécifiques, de médiation culturelle (qui s'est beaucoup développé en France, dans les musées...), mais un peu différente : c'est à dire d'articuler systématiquement un moment de pratique, un moment de rencontre avec des artistes, et un moment d'échange sur ce qu'on a vécu ou vu. La priorité, ce n'est pas forcément ce qu'on va voir, mais ce qu'on va vivre, ensemble. La forme artistique importe moins (cinéma, musique...). Mais la question est surtout : qu'est ce qui va se vivre entre nous? Nous travaillons là dessus, avec des groupes scolaires, des centres de loisirs.

 

Sur le festival d'Aurillac, d'arts de la rue, les espaces de débats et de forum se font dans la rue. On s'empare d'un petit bout de rue pour mener un débat avec les publics, les artistes, les organisateurs du festival. C'est aussi une façon d'aller investir des espaces qu'on n'a pas l'habitude d'utiliser. On met en place en ce moment une maison sur le festival des Suds en Arles, à la demande du festival. On va donc y mettre une structure d'hébergement, pour que cet espace soit un laboratoire, de croisement entre des publics qui n'ont pas forcément l'habitude de se rencontrer, comme par exemple des jeunes en difficultés, des personners éloignées de l'offre culturelle (en difficulté financière par exemple)...

 

Au niveau du travail qu'on fait avec les artistes au RSA. Les céméas bénéficient pour ça de subventions, on répond à des appels d'offre, on bénéficie d'une aide de l'état et on doitnrendre des comptes, maiz son diffus eun certain nombre de valeurs, comme la coopération, la solidarité, la participation... On esaie aussi de répondre à un besoin qui nécessite de mettre en place des interfaces entre les artistes, les événements...on essaie de garder l'indépendance pour refuser des choses qui ne correspondent pas à notre démarche. L'action RSA correspond à ce type d'action. Sur la région LR, on gère environ 80 à 100 personnes, qui ont le statut d'artiste, qui reçoivent le RSA et s'engagent à suivre un parcours d'orientation professionnelle.

 

Un accompagnement se fait à titre individuel, très concret, très matériel (loyer, se loger, transport, aide juridique...). la difficulté des artistes aujourd'hui est de répondre à la charge adminsitrative, et pour cela, de se fédérer. Les coopérations d'arristes, d'associations, d'entreprenseurs, réspondent à cet accompagnement adminsitratif et nous orientons parfois les artistes vers ces structures. Au niveau collectif, on travaille sur  des actions concrètes, pratiques de la matière artistique, théâtre, musique, arts plastiques, écriture, image. Nous échangeons entre nous, par groupe, des expériences et des laboratoires de pratiques sont menées. On produit quelque chose, on le montre, on cherche un espace où le montrer. On va aussi découvrir, rencontrer, à plusieurs, des strucutres, des expériences...

 

 

 

 

 

ECHANGES

 

Laurie Jedwab, Belgique :

 

Avec quel genre de public vous travaillez?

 

Boris Bruguière :

 

Le public est très large. Il n'y a pas de limite. Ca dépend plus des actions : enfants, ado, adultes, (animation, ou formation, sur des métiers liées au social, à l'insertion, à l'animation, de la formation professionnelle directement liée.)

 

Voilà des photos d'une action menée par les Francas de Troie, la caravane des artistes. Une dizaine d'ados parcourent les festivals avec une caravane équipée d'une antenne radio. Ils ont leur carte de presse et ont les mêmes droits que les journalistes, peuvent aller interviewer les artistes, assistent aux concerts et font leur reportage radio, eux mêmes.

 

 Salah, Algérie :

 

L'idée du statut d'artiste, d'intermittent en France, comment est-ce que ça fonctionne? En Algérie, il existe les droits d'auteur, et un syndicat d'artistes, qui a une connotation politique. Pouvons nous aborder cette question de statut?

 

B.Bruguiere :

 

En France pour obtenir un statut d'artiste, il faut justifier 507h de spectacle sur 10 mois. Un artiste doit donc avoir au moins cette activité pour avoir son statut, sachant qu'un cachet isolé compte 12h, et qu'un cachet s'il est groupé, compte 8h. Cela veut dire aussi qu'une personne si elle emploie un artistes paie des charges sociales, ce qui permet ensuite à l'artiste de toucher un chomage, ou d'avoir une couverture maladie.

 

 Salah

 

Mais comment ce statut est il défini?

 

B.Bruguière :

 

l'intermittence ne touche que le spectacle vivant. Les écrivians, les plasticiens, sont attachés à la maison des arttistes. Cette reconnaissance professionnelle est difficile et le parcours passe par plein d'étapes administratives. Mais c'est de plus en plus compliqué du point de vue adminsiratif et financier d'obtenir ce statut ou de le garder. Il faut avoir un suivi et une vigilance adminsitrative très forte, parce qu'on est très vite éjecté du statut.

 

Mathurin GASPARINI, France :

 

La reconnaissnace n'est donc pas basé sur la qualité du travail artistique, mais sur le nombre d'heure de travail.

 

Giulia ROSSI, Italie :

 

En Italie, c'est la même chose. Il existe un bureau ou on peut s'enregistrer en tant qu'artiste, vendre des spectacles. Cela permet à la fois une reconnaissance, et à la fois, cela met les artistes une nébuleuse administrative.

 

Cécile LAURANS, France :

 

Il est vrai que la lourdeur adminsitrative est chronophage et ote du temps de travail artistique. Une fois qu'on a ce statut, c'est difficile aussi de faire valoir des actions sociales. Il n'y a q'un maximum de 52h de travail sur les 507h minimum pour l'intermittence qui peuvent être dédiées à des actions d'enseignement par exemple.

 

D. Trichet :

 

Le statut d'intermittent, quand on arrive à l'avoir et à le conserver est un statut très précaire. Dans les autres pays, ce statut n'existe pas, mais on constate qu'il existe beaucoup plus d'artistes qui sont salariés permannent, alors qu'en france, il n'y en a quasiment pas. Dans les années 70, il y avait une trentaine de compagnies en France avec une trentaine de comédiens engagés sur des contrats d'un ou deux ans. Maintenant il n'y en a plus, il n'y a pas d'artstes permanent. Alors qu'il y en a encore en Allemagne, et en Angleterre aussi. Attention donc à l'image du statut d'intermittent qui finalement est faible.

 

Salah :

 

Le problème aussi est que ce statut ne reconnait pas la nécessité de l'artiste de travailler dans un temps différent, c'est à dire pas à la chaine, ou pas sur 10 mois, mais selon la création et l'inspiration? Il risque donc de devenir esclave de la production artistique au détriment de la qualité.

 

Sean Edwards, GB :

 

Les artistes se soumettent également beaucoup à la recherche de financements dans des fondations qui peuvent avoir tendance à transformer les créations artistiques, les instrumentaliser, les utiliser à leur profit?

 

BB :

 

Dans la musique, par exemple, les artistes espèrent que leur musique soit repérée par une publicité, parce qu'il y a un intérêt de promotion et financier. Beaucoup de musiciens ont un seul objectif  : que leur muisque soit repérée. Ils paient des agents pour distribuer leur musique dans les pubs de télé, un générique de télé ou de radio. L'état se désengage petit à petit et les subventions diminuent. Les festivals ou les artistes vont alors chercher des financements privés. On va de plus en plus vers ça, même si on n'est pas encore au niveau d'autres pays. Par exemple, à Montpellier, une salle de concert a été construite sur des financements privés et son nom porte le nom de la société, en échange du financement.

 

D. Trichet:

 

Il faut distinguer dans les arts de la rue, l'événementiel. Il y a pas mal de compagnies, qui pour faire tourner la boutique participent à de l'événementiel pour  des entreprises, il y a aussi des entreprises qui jouent le rôle de mécènes, pour la danse ou les arts plastiques essentiellement, peu pour les arts de la rue. En France, ce sont surtout les collectivités territorales qui prennent le relai de l'état. Les collectivités ont parfois un positionenment qui ressemble a celui de l'entreprise, c'est à dire, qu'il y a utilisation d'une forme artistique pour faire passer une idée, une image. Cela peut être dangereux si on n'en a pas conscience. S'il y a une liberté artistique et qu'on en a conscience, alors, il faut bien que quelqu'un paye. Parfois les collectivités passent des commandes claires où il y a forcément instrumentalisation. La liberté artistique et l'équilibre est souvent difficile à trouver. Beaucoup de spectacles sont des commandes faites par des collectivités territoriales, un office du tourisme, ou un site nautrel. Le festival d'avignon s'est arreté en 2003 parce qu'il y a eu un mouvement de contestation des intermittents et les commeràçants, les hoteliers, les restaurateurs se sont insurgés en disant :"on va perdre de l'rgent".

 

Foyer rural :

 

Une question à D. Trichet au sujet des arts de la rue. Est ce que les spectacles de rue n'ont pas vocation, justement à être unique, de par le lieu de création. Est ce qu'il n'y a pas une confusion entre la recherche économique, parce qu'il faut vivre et le spectacle fait en salle qu'on fait s'adapter à des espaces extérieurs?

 

Mathurin Gasparini :

 

Une des définitions des arts de la rue, ce sont des arts qu'on ne peut pas faire en salle. Beaucoup de spectacles de rue sont effectivement des adaptations de spectacles "dans la rue". Mais la plupart des spectacles de rue font une recherche sur l'espace.

 

F.Rural :

 

Et la dimension politique?

 

D. Trichet :

 

Il existe effectivement des spectacles qui ne peuvent se jouer que sur un lieu. Certaines compagnies ont besoin de passer 3 semaines en création sur un lieu, avec enquête, collectage d'information... Le spectacle est alors créé pour le lieu et n'est pas intégralement transférable dans un autre lieu. Il existe aussi des spectacles de rue qui peuvent se jouer dans le monde entier, sans aucun problème. Ce sont des spectacles totalement de rue, qui ne peuvent pas se jouer autrement que dans la rue, mais qui se jouent d'eux même, tout omme on peut écouter les mêmes musiciens partout dans le monde. Ensuite il y a des spectales intermédiaires, qui nécessitent une adaptation au lieu lui même. Il y a un canevas et selon le contexte, on rajoute. Ca c'est le côté artistique.

 

Ensuite le côté politique. dans le mot politique, il y a une nouvelle façon de regarder les chose. Un des spectacles dans lequel j'ai joué, était le "spectacle pour chiens". Le gouvernement avait envoyé une note à toutes les compagnies, comme quoi il fallait s'adresser à des populations défavorisées. Nous faisions ça depuis longtemps, on avait joué dans les maisons de retraite, les prisons, les quartiers populaires... Nous avons donc répondu que puisque nous avions déjà fait le tour de ces populations nous pensions que les populations défavorisées d'aujourd'hui étaient certainement les chiens et donc nous avons fait un spectace pour chiens. D'une certaine façon, on fait de la politique. On a joué un autre spectacle dans les pays de l'est, en Pologne, derrière le rideau de fer, avant 89, on joué un spectacle très politique de par la forme d'humour qu'on avait avec l'autorité. On a été viré d'un festival. La directrice nous a chassé officiellement, même si c'était le jour de notre départ, mais elle avait quand même besoin de nous chasser. Les officiels étaient soulagés .

 

Où est la politique? C'est difficile. Les arts de la rue, ne sont pas plus politiques que les arts de la scène. Ce n'est pas parce qu'on travaille dans la rue qu'on est plus généreux que les artistes de scène. Il y a peut être une volonté de s'adresser à une population entièrement.

 

Mikaëlle  Nouguier, France:

 

Le positionnement d'un artiste ne dépend pas du lieu ou il joue. Les pièces jouées dans les théâtre peuvent être très engagées.

 

D.TRichet :

 

IL y a des compagnies qui ont deux versions des spectacles, une version "salle" et une version "rue". Il y a quand même une spécificité, sinon, il n'y aurait pas la Fai Ar, mais cette spécificité n'est pas toujours enseignée et pas toujours très bien perçue de ce fait. Il y a du theâtre de rue, et du theâtre "dans la rue". Il y a aussi de la musique de rue, et de la danse de rue. Cela n'a rien a voir avec la trasnplantation du théâtre dans la rue.

 

F RURAl:

 

L'art de rue, selon moi et en tant que programmateur est vraiment un outil pour continuer la réflexion au delà de la scène, avec la population, sur la place publique.

 

D.Trichet :

 

Un mix des deux est nécessaire. Ce que vous ressentez, ce qu'il faudrait selon votre territoire, et ce qui se fait. Avec la connaissance des deux on peut y arriver. Il faut faire confiance aux jeunes créateurs.

 

 BB :

 

La proposition des arts de la rue, c'est un des derniers espaces de l'art ou on va vivre des choses dans un espace, sans avoir prémédité d'avec qui on va le vivre. Quand effectivement, on va au théâtre, au cinéma, dans une bibliothèque, on sait à l'avance avec qui on va le vivre. La conquête aujorudh'ui, c'est de retrouver des espaces où on se retrouve les uns avec les autres, dans le partage. Le fait que l'art descende dans la rue, je trouve ça super. Ca commence à m'inquiéter quand il y a une école, parce que ça veut dire qu'il y a "dans l'école", et il y a "hors école". Le fait que les tarifs soient accessibles, les espaces aussi, c'est super. Mais l'important c'est surtout de vivre ensemble.  Tant qu'on est dans une société qui n'ose plus chanter, plus danser, il manque quelque chose de l'ordre du vivre ensemble, de la mixité et autre chose que la consommation.

 

 

  ERRANCE EN AÉA